Transfusions sanguines
Très vite après le début de la guerre la médecine doit s’adapter à de nouveaux types de blessures engendrés par l’artillerie moderne. Elle va devoir rapidement mettre en pratique de nouvelles techniques encore peu testées, telle la transfusion sanguine.
Bref historique de la transfusion sanguine
Si les premiers essais de transfusion chez l’homme ont lieu à la fin du 17e siècle en France avec du sang de mouton (1667), il faut cependant attendre le 19e siècle pour voir les premières transfusions de sang humain. Elles sont faites par des médecins-obstétriciens alors qu’on ne connait pas encore les groupes sanguins, ni le moyen d'empêcher le sang de coaguler. Cela rend les résultats incertains.
C’est en 1900 que le médecin et biologiste autrichien Karl Landsteiner détermine le principe du groupe sanguin. C’est une découverte majeure qui va permettre d’éviter de graves accidents dus à l’incompatibilité entre donneur et receveur.
Jusqu’en 1914, la transfusion sanguine s’opère toujours de veine à veine, voire d’artère à bras, car on ne maîtrise pas le phénomène de coagulation naturelle du sang, qui survient très rapidement après son prélèvement. En 1914, le médecin belge Albert Hustin résous ce problème, grâce à sa technique basée sur l'adjonction de "citrate de sodium".
Le besoin de sang
Avec l’afflux de nombreux blessés dans les hôpitaux militaires et ceux dits "de l’Arrière", la demande de sang devient pressante. Dans les hôpitaux militaires, il est difficile d'utiliser la technique de Hustin et ce sont les transfusions de bras à bras qui perdurent. Même si l’on connait l’importance des groupes sanguins, on ne dispose encore d'aucun test rapide et fiable pour les déterminer. Ainsi, les médecins militaires, soucieux de ne pas laisser leurs blessés se vider de leur sang, assument un certain nombre de risques (incompatibilité sanguine, transmission de maladies...)
A Lyon
Les premières transfusions sont pratiquées dans les services des Hospices Civils de Lyon, et notamment à l’Hôtel-Dieu, dès le début de la guerre. Le tout premier cas, largement décrit par la presse locale, est celui du militaire Antoine Raviot. La transfusion est réalisée par le professeur Alexis Carrel grâce au don de sang du Dr Armand Gélibert, gendre d’Antoine Lumière.
Hospitalisé dans le service du Dr Léon Bérard pour une fracture infectée à la cuisse, et suite à une hémorragie, le Dr Gélibert, médecin aux HCL, va lui donner son sang le 18 octobre 1914. Les résultats sont concluants. Antoine Raviot est hors de danger et peut quitter l’hôpital le 22 mai 1915.
La première transfusion du sang pratiquée par le professeur Carrel, dans le service du professeur Bérard sur le blessé Raviot du 256ème d’infanterie, a donné les meilleurs résultats.
Nous avons eu le plaisir de voir, hier, le premier donneur de sang, le sympathique docteur Gelibert, mobilisé major, à l’hôpital que ses beaux-frères Lumière ont installé cours Gambetta.
Le docteur Gelibert, avec simplicité et naturel, nous a raconté combien il avait été heureux en donnant le premier exemple de transfusion du sang, d’avoir sauvé un blessé inguérissable qui lui manifeste simplement, mais d’une façon touchante, sa reconnaissance en l’appelant « mon cousin ».
[…]
« Du reste, nous dit le docteur, avant un mois j’aurai refait ce sang donné et je serai prêt à en redonner encore ; ce sera notre façon à nous qui ne sommes pas sur les champs de bataille, de verser notre sang pour la patrie. »
[…]Coupures de presse, article du 22 octobre 1914, HCL/Fonds de l’Administration générale - 1 LP 1117
Les donneurs
Pour sauver des blessés.
L’administration de l’Hôtel-Dieu nous communique, avec prière s’insérer, la note suivante :
« Certains blessés épuisés par de grandes hémorragies ne peuvent être sauvés que si on leur pratique en temps opportun la transfusion du sang d’un sujet sain et vigoureux (homme ou femme). Les personnes désireuses de fournir leur sang pour de telles transfusions sont invitées à se faire inscrire dès aujourd’hui à l’économat de l’Hôtel-Dieu. »
6 octobre 1914, article découpé par Barthélémy Mermet, 253 II 8
Suite à l’appel lancé par les HCL aux donneurs de sang, un afflux de volontaires contacte l’économat de l’Hôtel-Dieu. En moins de huit jours, 150 personnes sont inscrites et se déclarent prêtes à donner leur sang.
Ces donneurs, hommes ou femmes, sont décrits par la presse de l’époque comme de véritables héros. Pour les remercier le Conseil d’administration des HCL décide alors d’attribuer, aux personnes ayant donné leur sang pour des blessés et qui ne font pas partie du personnel, une médaille pour acte de dévouement.
« Considérant qu’il est juste de commémorer par une médaille le geste généreux des personnes étrangères aux hôpitaux qui auront donné ainsi volontairement leur sang pour les blessés militaire et contribué par ce moyen à leur sauver la vie »
HCL/Fonds de l’Administration générale - 1 LP 1117