Guignol dans la guerre
Guignol avant la guerre
Guignol est un personnage lyonnais aujourd’hui connu de tous. Né vers 1808, la petite marionnette s’adresse d’abord aux adultes. Un glissement s’opère au cours du 19e siècle pendant lequel Guignol devient un personnage plus lisse qui parle plutôt aux enfants.
Au début du 20e siècle, Guignol est un véritable emblème de la ville de Lyon. Avec son parler, sa droiture et sa probité, c’est le « bon Lyonnais » : ouvrier râleur mais honnête.
A la veille de la guerre, il y a deux grands théâtres de Guignol à Lyon : le théâtre de Monsieur Lamadon situé passage de l’Argue, et le théâtre Guignol-Mourguet situé quai Saint-Antoine et tenu par les Neichthauser.
Guignol pendant la guerre : « Jamais battu, toujours content »
La Première Guerre mondiale va redonner à Guignol son positionnement originel, c'est-à-dire un personnage qui s’adresse d’abord aux adultes. Véritable soutien moral pour les hommes au front comme pour les civils à l’arrière, le rôle de Guignol va être très important tout au long des quatre années de guerre.
Au front, on trouve Guignol auprès des combattants, dans les zones de cantonnement, les hôpitaux ou les camps de prisonniers. Dès l’automne 1914, les soldats montent des castelets de fortune et jouent de petits spectacles pour distraire leurs camarades.
Précaires et parfois éphémères, ces spectacles spontanés contribuent à maintenir la bonne humeur et la camaraderie tout en détournant les esprits du conflit pour quelques heures. Guignol sert de consolation pour les soldats qui sont loin de leur foyer, il comble l’attente et contribue à soutenir le moral des troupes.
A Lyon, le théâtre de Guignol continue à être joué dans ses lieux habituels. On y joue des pièces du répertoire classique et des pièces de guerre mais de façon légère, pour un public de civils et pour de nombreux permissionnaires.
Guignol se rend aussi au chevet des blessés dans les nombreux hôpitaux afin de les divertir et soutient les œuvres caritatives.
Guignol, une figure au service de la patrie
Le symbole de Lyon est utilisé pendant toute la durée de la guerre. On le retrouve dans des journaux lyonnais comme l’hebdomadaire satirique « Guignol », qui paraît dès octobre 1914, sur des affiches et des cartes postales.
La collection de cartes postales des Archives municipales de Lyon
Les Archives municipale possèdent de très nombreuses cartes postales. 12 000 ont d’ores et déjà été numérisées et sont consultables sur le site internet des Archives dans la rubrique « archives en ligne ».
Environ 400 cartes postales traitent plus particulièrement de la Première Guerre mondiale. On y retrouve entre autre la célèbre "série 66 cartes" due à Jean Coulon présentant une correspondance entre Guignol au front et Gnafron resté à l’arrière, qui fut publiée d’août 1914 à juin 1919.
Guignol sert aussi à la communication officielle locale. Il apparaît avec ses amis sur de nombreux supports pour encourager le patriotisme et motiver les solidarités. Ils incitent les Lyonnais à « vider leurs bas » et faire pleuvoir « les picaillons » afin de financer une guerre rendue coûteuse par sa longueur et son caractère industriel.
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Ainsi, en mars 1916, Guignol est imprimé sur des cartes et des affiches pour vanter la première édition de la Foire de Lyon créée pour concurrencer celle de Leipzig. Il est également à l’honneur le 14 octobre 1916 lors de la « Journée de Guignol » organisée par la Préfecture afin de récolter des fonds pour les œuvres caritatives.
Guignol au service de la propagande ?
Guignol devient parfois un instrument de propagande notamment lorsqu’il va rosser l’Allemand. Il peut se montrer belliciste et cruel. Gaston Cony, patron du théâtre Guignol parisien des Buttes Chaumont, rebaptise, dès août 1914, son théâtre « Guignol de la Guerre ». Il écrit et joue une quarantaine de pièces militaires destinées à un public enfantin. Guignol s’y fait le vecteur de la plus grande violence et de la germanophobie la plus radicale. Vêtu en « poilu », ce Guignol tue le « boche », manifeste un dégoût racial de l’Allemand qu’il réduit à une brute afin de témoigner de la supériorité de la civilisation française.
Mais il n’est pas toujours le chantre du discours dominant. Il exprime aussi parfois un patriotisme mitigé et le sentiment de lassitude face à une guerre qui s’éternise.
Renouant avec la verve de ses débuts, le personnage se montre parfois très critique. Il n’hésite pas à dénoncer les inégalités sociales, les profiteurs de guerre, les manquements des autorités. Il relate les événements, parle du conflit d’une manière un peu plus franche et se fait ainsi le portevoix de la population et des soldats.