Guerre aérienne
A la veille de la mobilisation, des débats subsistent encore sur l'utilité de l'aviation dans la guerre. Dès 1914, le succès des premiers zeppelins allemands démontre l’importance de la guerre aérienne dans les combats.
En août 1914, l’aéronautique militaire française ne dispose que de 38 appareils, auxquels il faut ajouter un nombre équivalent en attente dans la Réserve générale d’aviation. La production, dès les premiers mois de guerre, permet à la France de disposer d’un nombre grandissant d’appareils. Parmi les industriels impliqués dans la fabrication en série d’avions, des Lyonnais, les frères Voisin, produisent, sur toute la période de la guerre, 10.000 biplans, essentiellement des bombardiers, dans leur usine d’Issy-les-Moulineaux.
A l’arrière, les industries aéronautiques qui se sont développées autour du terrain d’aviation militaire construit à Bron en 1912, participent à l’effort de guerre, tout comme les usines de la région parisienne repliées dans l’Est lyonnais.
Après la bataille de Verdun tout un chacun prend conscience que la « maîtrise de l’air » et la « supériorité aérienne », expressions employées désormais couramment, sont les corollaires indispensables de la bataille terrestre.
On utilise en effet l’aviation pour des missions de reconnaissance photographiques (afin d’établir les cartes des réseaux de tranchées ennemies), ou pour guider l'artillerie, censée tirer sur des cibles invisibles depuis la position de tir; mais aussi pour des combats aériens, qui marquent énormément les soldats qui les observent, comme le rapporte Barthélémy Mermet, qui fait au demeurant de la guerre aérienne une rubrique récurrente de son journal dès la fin août 1914.
Des témoignages à découvrir
Notes personnelles
Maria a reçu aujourd’hui de son frère Armand la carte postale que voici :
Au recto d’une photographie représentant Armand debout sur un amoncellement de ferrailles tordues, restes du « Zepplin » « L85 » abattu, le 5 mai, dans le delta du Vardar par l’armée d’Orient.
- au verso :
Armée d’Orient, 14/5/16
« Ma chère Maria
« Comme je te connais, tu vas encore dire que le Zeppelin est tombé tout seul du ciel. Eh ! bien non, c’est nous qui l’avons abattu, comme nous abattrons maintenant tous ceux qui viendront passer sur nos retranchements.
« Le combat aérien qui s’est livré juste au dessus de nos têtes est bien ce que j’ai vu jusqu’ici de plus angoissant. Cet immense Zeppelin, de 165 mètres, aveuglé par les projecteurs de la flotte alliée et se débattant au milieu d’une grêle d’obus de gros calibre, de fusées éclairantes et de bombes incendiaires, offrait un spectacle véritablement grandiose que je n’oublierai jamais.
« Tu vois, nous travaillons bien. Nous avons tous la conviction que la guerre sera bientôt terminée. Verdun tiendra, mais c’est nous qui entrerons chez les Boches.
- Il me semble que j’y suis déjà.
- Nous les aurons !
M. Jules Berthet, ancien agent de change à Lyon, est au nombre (inconnu) des militaires tués dans le bombardement aérien de Bar-le-Duc, en outre des 18 civils signalés par le communiqué du 1er juin.
Extraits d’une lettre d’Armand, reçue par Maria à Jurieux le 23 août 1916
Armée d’Orient, le 12 août 1916
[…]
Je vais assez souvent, en avion visiter les escadrilles du front lorsqu’on me signale un cas grave.
La semaine dernière, j’ai rencontré à 1800 mètres, un avion monté par 2 de nos camarades qui se sont faits abattre, dix minutes plus tard, par l’artillerie bulgare. J’ai assisté à la plus grande partie du combat aérien.
Ces braves amis se sont lancés à la poursuite d’un Folkker qu’ils ont eu la chance d’abattre à coup de mitrailleuse. Malheureusement les obus éclataient de tous côtés autour d’eux et un éclat est venu tuer le pilote.
C’est vraiment impressionnant cette lutte de géants à trois mille mètre dans les airs ! Mais aussi quelle tristesse de retrouver étendus sur le sol, les deux amis que l’on vient de croiser dans les airs, plein d’ardeur et de vibrant enthousiasme !
Quelle horrible chose que la guerre !
Et le lendemain, au cimetière, pendant que les deux cercueils, enveloppés dans le drapeau tricolore, étaient descendus dans 2 des nombreuses fosses creusées d’avance pour des camarades, un avion, identique à celui que pilotaient la veille nos glorieux amis, venait sillonner le ciel, à faible hauteur, comme pour leur faire entendre une dernière fois le ronflement du moteur qu’ils aimaient tant et pour leur dire qu’ils seraient vengés.
Quand, à mille lieues de la France, dans un cimetière perdu en plein bled, on remplace, derrière un cercueil, la famille absente et qu’on assiste à ce spectacle grandiose dans sa simplicité, je t’assure qu’on est terriblement impressionné.
La guerre nous a bien habitués à ces deuils, mais nous pleurions tous comme des enfants. Les Boches nous payeront tout cela !