Lyon entre en guerre
1er Août - Mobilisation générale
Dimanche 2 août, le conseil municipal se réunit pour une séance de délibérations. Celles-ci sont consignées dans un nouveau registre et sont, pour la première fois, dactylographiées. Le premier sujet de la séance s’inscrit dans la politique sociale et hygiéniste menée par la municipalité
Lyon à la veille de la guerre
A la veille de la déclaration de guerre, Edouard Herriot, réélu en mai 1912, effectue son deuxième mandat. La ville de Lyon, compte alors environ 523 796 habitants (recensement de 1911) et depuis 2 ans, elle a un arrondissement de plus : le 7e, né de la division du 3e. Depuis les lois du 18 décembre 1913, son espace s’est agrandi de certain territoires des communes voisines, comme Caluire-et-Cuire et Sainte-Foy-lès-Lyon sur lesquelles sont construits les hôpitaux de la Croix-Rousse et Debrousse.
Lyon est une ville en pleine expansion et en chantier permanent. L’architecte Tony Garnier est chargé de la plupart des grands projets en ce début de siècle : les abattoirs de la Mouche (quartier de Gerland), l’hôpital Grange Blanche (hôpital Edouard Herriot), le stade de Gerland. Le Palais de la Mutualité, sur la rive gauche du Rhône, construit par l’architecte François Clermont, vient d’être inauguré par le président de la République Raymond Poincaré, en visite officielle à Lyon du 22 au 25 mai 1914.
Du point de vue économique les Lyonnais assistent au développement de nouveaux secteurs industriels : la chimie avec la famille Gillet, la construction automobile avec Marius Berliet…
Et, grâce à l’exposition internationale urbaine qui ouvre ses portes le 1er mai, ils découvrent les toutes dernières innovations technologiques.
Cette exposition, consacrée à l’urbanisme et à l’hygiénisme, accueille également un pavillon colonial, un pavillon des nations étrangères, un village alpin, un jardin horticole et un pavillon sur la soierie.
Le mouvement hygiéniste est très présent. Il s’illustre parfaitement en la personne du docteur Jules Courmont, alors titulaire de la chaire d’hygiène de la faculté de médecine, et inspecteur départemental d’hygiène publique du Rhône. Il œuvre en faveur de cette discipline, il sensibilise et éduque ses concitoyens de manière à lutter contre les maladies et à préserver leur santé. C’est dans ce même courant d’idées que plusieurs grandes familles lyonnaises : Gillet, Aynard et Mangini pour ne citer qu'elles, initient la construction des tous premiers logements sociaux.
Lyon a un nouveau gouverneur militaire depuis le 1er novembre 1913, en la personne général Pouradier Duteil, commandant le 14e corps. En mars 1914, il s’installe officiellement à l’Hôtel Vitta, 38 avenue de Noailles (actuel Hôtel du gouverneur, avenue Maréchal Foch). La Ville a fait l’acquisition de ce bâtiment auprès des enfants du baron Jonas Vitta, banquier et marchand de soie qui l’avait fait construire en 1857.
La marche vers la guerre
Le premier semestre 1914 voit les tensions internationales s’accroitre, l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand le 28 juin à Sarajevo en est le paroxysme. Le désir de revanche de la guerre de 1870 et du retour de l’Alsace-Lorraine à la France occupe les esprits et enflamme les discours « patriotiques » qui se multiplient. La guerre semble inévitable. Quelques voix s’élèvent cependant contre la guerre, comme celle de Jean Jaurès qui prendra la parole publiquement à Vaise, le 25 juillet pour la dernière fois avant son assassinat le 31.
Tout le monde s’attend à une déclaration de guerre imminente. Les administrations doivent donc envisager un nouveau fonctionnement en cas de conflit. C’est le cas pour le personnel municipal et ses élus. Lors de la séance du Conseil municipal du 1er aout 1914, les conseillers refusent de désigner un adjoint chargé de remplacer Herriot dans le cas où ce dernier serait mobilisé. Ils demandent donc son maintien, ainsi que celui de Joseph Serlin directeur des services de la mairie.
A l’annonce de la mobilisation générale, le conseil municipal réagit très vite. Il se réunit le 1er et les 2, 3, 5, 7 et 11 août 1914, et prend rapidement des décisions d’urgence face à l’état de guerre.
La délibération en date du 2 août 1914 porte sur l’assistance aux familles avec la création de distribution de soupes municipales. Elles sont mises en place à partir du 3 août pour parer aux premiers besoins des familles pauvres touchées par la mobilisation. Principalement installées dans les écoles, elles fonctionnent à midi et à dix-huit heures dans les sept arrondissements de la ville.
La municipalité décide de prendre en charge les enfants qui, n’ayant que leur père, se trouvent orphelins en raison de la mobilisation. Elle lance également un appel aux commerçants en les invitant à ne pas faire augmenter leurs prix et instaure un couvre-feu.
Toute la ville dans la guerre
La guerre que l’on croyait courte s’installe finalement. Dès novembre, le conseil municipal décide de mettre en place un fonctionnement spécifique :
« Réduire au minimum les dépenses, mais sans que ces réductions portent atteintes à la bonne marche des services ou aux droits légitimes des malheureux ; conserver le plus possible à la Ville cette activité régulière se reconnaissent les organisations solides, capables de surmonter, par leurs seules ressources, les crises passagères ; maintenir, au milieu de circonstances exceptionnelles, les règles tutélaires de l’administration publique ; lutter à force d’ordre, contre les complications qu’apporte la guerre ; inviter tous ceux des contribuables qui en ont la faculté à remplir, par des paiements réguliers et même empressés, leur devoir qui se confond avec le devoir patriotique ; assister généreusement, mais sans gaspillage, par des œuvres plus que par des aumônes, tous ceux que la guerre a directement touché, afin de maintenir, par une vigilance quotidienne, l’union morale de la cité : tel est le programme que votre municipalité s’est tracé… »
Délibération du 20 novembre 1914
C’est donc toute une municipalité qui entre en guerre, ses élus mais aussi l’ensemble du personnel municipal. Les registres des délibérations permettent de suivre la vie de la cité, au gré des événements, pendant toute la période de guerre.