Guerre chimique
La Première guerre mondiale voit le développement de nouvelles armes, aboutissement des progrès industriels et chimiques.
Le lance-flamme a été intégré à l’armée allemande dès 1911, et adopté par les Français et Britanniques en 1915, comme soutien à l'infanterie. Si son utilisation n’a pas été significative durant le conflit, il a fortement marqué les esprits des combattants, comme nous le rappelle le témoignage de Louis Boyer.
Plus que cette nouvelle arme, c’est la guerre chimique qui va bouleverser les modalités des combats. Conséquence d’une guerre de position qui s’enlise, les attaques chimiques à grande échelle sont utilisées par les Allemands et les Alliés. Les gaz pouvaient en effet s’infiltrer partout dans les tranchées, les boyaux, les abris, les casemates… et ouvrir des brèches dans les lignes ennemies.
Le premier gaz mortel fut le chlore. En avril 1915, les Allemands en déploient 168 tonnes au nord d’Ypres, vers les tranchées françaises. Assez vite, des contre-mesures s’improvisent comme des tampons de linges imprégnés d’eau et de bicarbonate de soude qui neutralisent partiellement le gaz. Le chlore est donc assez vite remplacé par le phosgène, puis par le gaz moutarde, encore plus effroyables. Ce dernier employé par les Allemands en juillet 1917, près de Ypres, d’où son nom d’ « ypérite », n’avait pas besoin d’être inhalé et pouvait affecter les soldats par simple contact. Le gaz ne produisant ses effets délétères qu'après plusieurs heures, chacun vit dans l'angoisse d'avoir été touché à son insu au début de l'alerte. Dans tous les camps, les fantassins se voient contraints de porter à chaque alerte des équipements de protection et des masques qui gênent leurs mouvements et aggravent encore un peu plus leurs conditions de vie. Il arrive que, de lassitude, ils les enlèvent trop tôt après l'alerte, au risque d'être touchés par le gaz.
Les pertes militaires dues aux armes chimiques lors du conflit sont estimées à 90.000 morts et 1.250.000 gazés. Pourcentage certes assez faible comparé au nombre de victimes totales de la guerre, mais qui a durablement ébranlé les soldats, le gaz restant une peur majeure en première ligne.
En 1925, sous la pression de l’opinion, le protocole de Genève est signé, interdisant l’utilisation des gaz de combat lors d’un conflit, mais n’interdisant ni leur fabrication, ni leur stockage. Les stocks français ne sont toujours pas neutralisés en 2016, un centre de destruction est en construction.
Des témoignages à découvrir
A 9h30. Le Lieutenant Colonel Lenfant passe la revue de tout le régiment et après le régiment défile avec la musique devant le colonel.
A 10h. l’on rentre au cantonnement à Neuviller.
Rapport et soupê à 10h30.
à 13h. je vais voir l’essai des liquides enflammés ce qui est terrible et pas digne de la civilisation. Puis le lancement de grandes phosphorésantes. […]
10 Août.
Garde aux gazs devant l’entrée de notre abri. Le vent est contraire. La terre calcinée par le soleil se fendille, des traînées de vapeur flottent dans l’espace… floc … floc… floang… Nous, silencieux après un court sifflement des obus à gaz éclatent sur le marais, des marmites creusent le sol des coteaux couvrant de leurs monstrueux éclatements le bruit faible des bouteilles. Des geysers glauques sortent de terre. Travail sournois. Les boches s’acharnent. Nos mines causent des pertes, chez eux et ce sont les bombardiers qu’ils visent. En un violent colloque les fusants claquent, cloutant le ciel, les percutants fouillent ardemment les ravins. Qu’importe ! nos torpilles filent toujours hachant leurs réseaux, crevant les abris. Alors ils essayent de l’intoxication lente. Pas de nappes délétères réservant des surprises inattendues. Qui prévoit le geste du vent ! Donc des obus. Un but fixe le marais dont la situation encaissée forme réservoir ; et ça clapote durant des heures. Un voile soufre et bleu stagne au ras des herbes d’élève lentement, entretenu en densité par les arrivées nouvelles. Aux premières sautes du vent, il s’éclaircit, circule, pénètre et flâne dans les boyaux et les tranchées, s’insinue dans les retraites, empoisonne homme, bêtes et choses. Au fond de la gorge naît un goût d’ail, chloré, spécial… Alerte ! Une cloche tinte grêle. Un clakson rugit. Figures étranges, les poilus revêtent le masque plat. Respiration courte, yeux embués, sueur au front… la torture du masque commence.
21 avril.
Un abri vient d’être vidé de ses occupants, j’ai manqué d’un souffle d’être tué, ma musette et ce qu’elle contenait m’ont sauvé la vie, et dire que c’est dimanche ! Les gaz sont de la fête, il pleut de ces obus traitres et meurtriers. La plaine en forme de cuvette est jaunie par une nappe de gaz. Les minutes sont précieuses ! Nous sommes pris par le tir de flanc et de face § Les masques sont une torture
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Nous avons gardé le masque dix heures, certains ont cru devenir fous. Pichon voulait ôter le sien, avec Belin nous lui avons tenu de force sur le visage. Maintenant assommé, il râle, gémit ou dort. Il y a encore beaucoup de blessés et de gazés, mon dernier ami s’en va. Après Albert c’est Amphoux, me voici seul, et jusqu’au môme qui nous laisse. Qu’allons-nous devenir ? La Cie a déjà perdu 40% de son effectif.