La vie à l'arrière
Pendant que les soldats sont mobilisés, la vie continue dans les villes de l’Arrière, telles Lyon. Les échanges de courriers, entre époux notamment, laissent transparaître le quotidien, quoique souvent embelli par omission, à la fois pour garder le moral de part et d’autre et pour ne pas tomber sous le coup de la censure. Il est rarement question de pénurie dans les lettres provenant de l’Arrière ni des conditions extrêmement difficiles des soldats au front.
Les femmes font partager à leur mari les menus détails de leur vie quotidienne, donnent des nouvelles de la famille, des amis, des connaissances parties combattre ; les soldats quant à eux, minimisent les dangers et conseillent leur épouse quant aux décisions à prendre. Ces lettres familiales révèlent toutes la déchirure de l’éloignement contraint, et un soutien mutuel.
Des témoignages à découvrir
Lyon le 23 octobre 14, 5h1/2 du soir
Mon cher André
Je viens de recevoir ta carte du 18, le temps commençait à me durer quand il y a 4 jours que je n’ai pas de nouvelles. J’ai plus de courage pour travailler sitôt que j’ai une carte, ça me remonte. La Mattre Chaufray est venue mercredi pour la journée nous avons fait un bon petit dîné, puis nous avons été à Fourvière elle a bien rigolé de voir faire la petite guerre à la jeune classe puis nous avons été à l’Eglise, ensuite nous sommes descendues à Bellecour voir les canons. Il y en a 36 ça fait bien joli de voir cet alignement.
Je l’ai accompagnée à la gare de Vaise juste arrivait un train de blessés, ça lui faisait trop de peine elle n’a pas voulu rester plus longtemps à les regarder. Suzanne t’envoie un gros baiser et moi, cher André, vivement le plaisir de t’embrasser. Ta femme qui pense à toi toutes les minutes du jour. Mathilde
Belfort, le 14 février 1915
Ma chère petite Paule chérie
je suis très heureux ce matin en lisant la charmante lettre de notre gentille maman dans la quelle elle me dit que tu vas m’écrire sous peu et surtout que tu sois en bonne santé. J’espère que tu es très gentille envers elle et que tu lui aides dans la mesure de tes moyens. Je ne puis même pas en douter, en même temps que tu dois toujours bien travailler en classe, en attendant de te revoir reçois de ton papa qui t’aime et qui t’embrasse bien des fois, l’espoir de te retrouver bientôt.
P. Bonnefoy
Tu feras un gros mimi
à la maman pour ton Papa.
Tu me diras si tu l’as fait chaque fois que je te l’ai dit.
Lyon, le 30 mars 1915
Mon petit chéri
Comme je te le disais ce matin sur ma lettre je suis sortie à 9h1/2 avec mon Mimi malgré que le temps s’était mis à la pluie vers 9h, mais il était tout prêt, nous sommes descendus tout de même et pour faire un voyage blanc car tu ne t’imagines pas qu’ils sont déjà
tous vendus dans les petites tailles, il ne reste que des grandes tailles, les dames m’ont assurées qu’elles en auraient d’autres jeudi matin de retourner voir. Du temps que j’avais Mimi je suis allée dans un autre magasin mais ils n’avaient rien que quelques modèles qui lui allaient tous plus mal les uns que les autres et qui étaient horriblement chers, ce qui fait que j’y ai laissé de côté pour aujourd’hui.
Nous sommes allés après à la BP encaisser le chèque de M. Assada et nous sommes revenus prendre notre tram aux Cordeliers en passant par la rue Grenette, en passant devant une pâtisserie Mimi m’a demandé un gâteau je lui ai acheté un croissant qu’il a tout mangé sans en perdre un morceau, il avait faim sans doute.