Désobéissance
L’armée française, comme toutes les armées engagées dans le conflit, a connu des actes de désobéissance de ses soldats.
Ceux-ci se manifestent dès 1914 et se traduisent le plus souvent par le refus de monter au front, par des mutilations volontaires ou par des désertions (à l’intérieur ou au front). Jusqu’en 1917, ces actes sont individuels. Eclate alors une crise de discipline plus globale face aux décisions prises par l’état-major, jugées injustes et inefficaces par les soldats.
Toutes les désobéissances sont sévèrement punies. En 2014, le ministère de la Défense a dénombré 953 soldats fusillés entre 1914 et 1918, dont 639 pour désobéissance volontaire.
Les témoignages des personnes à l’arrière, nourris par le discours officiel, décrivent les déserteurs comme des « tire au flanc » ou de « mauvais soldats », voire des traîtres.
En réalité, bien souvent, les lettres des soldats eux-mêmes ou de leurs proches laissent percevoir des hommes ayant déjà fait leur devoir au feu, mais épuisés physiquement et psychologiquement et incapables de faire face à la violence de la guerre.
Des témoignages à découvrir
Réformes frauduleuses
On vient de découvrir un procédé imaginé par un nommé Cantor pour empêcher les tire-au-flanc de partir au front. L’intéressé s’arrangeait de manière à se contusionner le genou et recevait ensuite une injection d’essence de pétrole qui envenimait sa plaie et le faisait admettre d’urgence à l’hôpital.
Cantor a réussi à passer la frontière, mais dix de ses clients ont été arrêtés et se sont vus infliger 60 jours de prison, qu’ils termineront au front, où ils vont être expédiés sans délai.
Samedi 5 Août
Nous attendons d’un moment à l’autre l’ordre de départ : dans la matinée quatre mutilés volontaires ont été fusillés ; Chevalier et moi reprenons la garde ; dans la soirée gros mouvement de troupes ; nouveau convoi de simulateurs ; gra[n]d calme le soir : nous veillons jusqu’à minuit : le canon tonne toute la nuit.
Lyon, 3 novembre 1916
Monsieur le Président,
C’est une tante désespérée qui vient se jeter à vos pieds pour implorer de votre bonté la grâce de son neveu condamné à mort, depuis le 16 octobre, Marius Viala pour avoir abandonné son poste à 25 kilomètres de l’ennemi et de plus en désertion de 5 jours, et après avoir réfléchi à la faute qu’il venait de commettre s’est rendu à la gendarmerie.
Puissent les larmes de toute une famille toucher votre cœur généreux et clément, monsieur le Président.
J’ai remplacé sa mère et j’ai élevé son enfant qui est actuellement âgé de 5 ans, pour qui j’espérais le pauvre enfant le soutien de son père, dont il aura tant besoin, n’étant moi-même sa tante, plus très jeune, âgée de 51 ans, d’une santé délicate ainsi que mon mari qui est mobilisé, nous pouvons manquer au pauvre enfant.
Dans l’espérance monsieur le Président, que vous prendrez ma lettre en considération et en pitié pour son pauvre enfant.
J’ai l’honneur d’être avec le plus profond respect, monsieur le Président, votre très humble et très obéissante servante.
Lyon, le 13 novembre 1918
Monsieur le Maire
J’ai l’honneur soldat Drompt Henri, classe 1901 matricule de Régiment 134. Né à Lyon le 21 février 1881, passé auxiliaire à la suite de maladie contractée au front, 30 mois de tranchées, au 149ème régiment d’infanterie, dans (sic) je n’ai eu aucun reproche dans mon service. Affecté à la 14ème section d’infirmier, le 7 octobre 1918, détaché à l’hôpital complémentaire 60, le 9 du même mois.
N’ayant pas la santé, n’ai peu assuré mon service, le 5 courant, après avoir fait ma garde de nuit, étant à bout de force, ai réclamé à M. le Major chef du repos que j’étais malade. Ce dernier me répondit que je n’avais rien que c’était de mauvaise volonté et me mit huit jours de prison. Je lui ai sollicité une contre visite, me l’a refusée. Etant au comble du désespoir, je suis parti chez moi uniquement pour me soigner et suis rentré à mon dépôt 3 jours après, où je suis en prison. Etant orphelin, veuf et père d’un enfant, actuellement en nourrice, ayant fait mon devoir devant l’ennemi, digne d’un enfant du Rhône.
Ai l’honneur Monsieur le Maire de bien vous solliciter, d’être mon interprète auprès du gouverneur de la place de Lyon pour m’écarter le motif de désertion et me faire accorder une visite médicale, à l’hôpital Desgenettes. Dans l’espoir que Monsieur le Maire prendra mes deux en considération.
Je vous prie de bien vouloir agréer mes sincères remerciements d’avance, votre dévoué compatriote.
Drompt Henri