Se tenir informer, s’angoisser
En temps de guerre, quand la censure devient la norme et que l’information est perçue par principe comme fausse, la rumeur prend place, s’accroche à la moindre incertitude, à la moindre angoisse, pour justifier les événements et les rendre significatifs. A la rumeur « d’en bas », s’oppose celle « d’en haut », forgée de la main des autorités militaires dans un dessein déterminé : remobiliser les troupes, pacifier le quotidien bouleversé de la population et faire passer certains messages. A Lyon, des notes municipales publiées dans la presse et des mesures de protection civiles prises par la municipalité en cas de menace aérienne ont dramatisé une rumeur déjà en circulation : des zeppelins vont bombarder la ville, en réaction à la Foire aux échantillons, envisagée par E. Herriot comme une action de guerre commerciale contre celle de Leipzig.
En cas de menace aérienne Monsieur le maire de Lyon nous communique la note suivante : « il est rappelé au public qu’en cas de menace aérienne contre les villes, la population est aussitôt que possible prévenue par les sonneries de clairons « garde à vous » et de cloches. En ce cas, les rassemblements sur la voie publique sont interdits. La fin de l’alerte est indiquée par la sonnerie la « berloque ». (Cette note laconique et de forme anodine, glissée modestement dans le corps de la chronique locale, n’a pas passé inaperçue dans la population).
Barthélémy Mermet, 17 février 1916