Les affaires
Plusieurs affaires célèbres de la première moitié du XXème siècle ont permis au professeur Locard d’acquérir une renommée universelle. Il doit une large part de sa notoriété à son rôle en tant qu’expert en écritures dans l’affaire du corbeau de Tulle en 1922.
Edmond Locard s’est intéressé aux causes historiques célèbres comme l’assassinat du président Carnot par l’anarchiste Caserio, l’affaire Fualdès, Louis XVII, …
... et la 1ère condamnation sur l’unique preuve dactyloscopique
Dans l’après-midi du mercredi 1er juin, dernier, profitant de l’absence de la dame Nachury (Marie), veuve André, ouvrière à la manufacture des tabacs, les accusés Rollin (Léon) et Fabry (Louis), firent sauter la serrure de la chambre qu’elle occupait, rue Ravat n°1. […]
Il fut facile au docteur Locard, chef du service anthropométrique de Lyon, désigné comme expert, de rendre apparente, à l’aide de noir de fumée, les empreintes laissées par les doigts des auteurs du vol. Les empreintes permirent à l’expert d’affirmer, sans aucune hésitation, que les vases placés sur les meubles dans la chambre de la veuve André avaient été manipulés par les accusés.
Le procureur général - 12 octobre 1910
Les avocats de la défense insistent sur les dangers d’une erreur judiciaire et invitent les jurés à ne pas perdre leur indépendance face à un expert. Mais, pour la première fois, la seule preuve dactyloscopique a suffi à convaincre les jurés.
C’est à cette époque qu’un consensus s’établit sur la mise en évidence d’un minimum de 12 points de comparaison similaires (dits caractéristiques ou minuties) et aucun point de divergence pour affirmer l’identité de deux empreintes. Ce principe prévaut encore aujourd’hui.
Les lettres anonymes
De 1917 à 1922, Angèle Laval inonde la ville de Tulle de plus de 1000 lettres anonymes. Glissées dans les paniers des ménagères, abandonnées sur les trottoirs, les rebords de fenêtres et jusque sur les bancs des églises, ces lettres qui dénoncent l’infidélité des uns, la mauvaise conduite des autres alimentent toutes les conversations et inquiètent les habitants. Peu à peu, une atmosphère de suspicion recouvre la ville.
Ce fait-divers a servi de source d’inspiration à Henri-Georges Clouzot pour réaliser, en 1943, un chef-d’œuvre du cinéma noir des années de l’Occupation, Le Corbeau.
Devenu l’expert incontournable des tribunaux dans toutes les grandes affaires, le docteur locard commit lui aussi une erreur lourde de conséquences
Renée Lafitte est condamnée, en février 1945, aux travaux forcés à perpétuité pour intelligence avec l’ennemi. On l’accusait d’avoir envoyé, un an avant la fin de la guerre, une lettre à la Kommandantur d’Auch, pour dénoncer la présence de maquisards dans un bois de la région. Edmond Locard a affirmé que la lettre était bien de la main de Renée Lafitte.
Six ans après son procès, l’enquête sera rouverte. D’autres graphologues diront exactement le contraire de l’expert Locard. Renée Lafitte sera finalement acquittée en 1958 et recevra 5 millions de francs de dommages et intérêts.
L’archétype de l’erreur judiciaire
Ce n’est pas tout à fait de l’actualité, puisque ce mélodrame réel a été perpétué en 1818. Mais c’est le modèle même et l’archétype de l’erreur judiciaire.
Et, de ce point de vue, c’est une aventure actuelle, maintenant et toujours. Car les jugements de l’homme demeurent faillibles, même lorsqu’ils sont rendus en toute sérénité. Et c’est le cas.
Karl Wilhelm Naundorff
- 1831
Un horloger de Crossen, en Prusse, Karl Wilhelm Naundorff, annonce dans le Leipziger Zeitung qu’il est le dauphin Louis-Charles, duc de Normandie, fils de Louis XVI, évadé du Temple.
Le 28 août de la même année, l’annonce de cette révélation dans le journal français le Constitutionnel émeut un ancien juge, fidèle à la branche aînée des Bourbons, François Albouys, qui fait venir Karl Wilhelm à Paris au printemps 1833, sous le nom de Baumann. - Janvier 1845
Naundorff quitte son exil à Londres et s’embarque pour les Pays-Bas. Il se fixe à Delft jusqu’à sa mort du typhus le 10 août 1845. Son acte de décès est écrit au nom de Charles-Louis de Bourbon, nom indiqué par le fils aîné du défunt. - 1943
André Castelot propose au professeur Edmond Locard d’analyser une mèche de cheveux de Naundorff et une du dauphin. Le professeur observe dans les deux mèches la même et rarissime excentration du canal médullaire. - 1950
Une nouvelle expertise du professeur Locard ne confirme pas les particularités remarquées en 1943. - 1954
La Cour d’Appel de Paris confirme le jugement de 1851, concluant que les preuves n’étaient pas suffisantes pour annuler l’acte de décès du 8 juin 1795. - 1998
Les généticiens, Jean-Jacques Cassiman et Olivier Pascal, annoncent que les restes de Naundorff ne peuvent être identifiés comme ceux de Louis XVII, fils de Marie-Antoinette. Possédant deux morceaux d’humérus et une mèche de cheveux venant de l’exhumation de 1950, ils ont comparé l’ADN mitochondrial à celui des cheveux de Marie-Antoinette et de ses deux sœurs, et répété l’expérience avec l’ADN de deux descendants vivant, en ligne féminine des Habsbourg-Lorraine : la reine Anne de Roumanie et son frère, le prince André de Bourbon-Parme.