Ecrire au 18e siècle
Ecrire est une occupation à part entière à une époque où aucun autre moyen de communication ne permet de relier les personnes séparées. Jean Antoine, marié depuis quelques mois seulement avec Antoinette, part fin 1759 pour l’Italie ; il est chargé d’aménager le théâtre de Parme en vue des fêtes du mariage de l’Infante Isabelle et de l’archiduc Joseph héritier de la couronne d’Autriche en septembre 1760. De ce long séjour italien duquel il revient quelques mois pour la naissance de son fils au printemps 1760, plus de 70 lettres échangées entre les jeunes époux sont encore conservées.
Quant à Antoine, il écrit plusieurs heures par jour. À ses relations, aux personnes dont il sollicite les services, à sa mère. Par retour de courrier, c’est-à-dire à peu près tous les trois jours, il rédige d’une écriture serrée et sans rature, généralement le soir et à la bougie, de longues missives de 3 à 4 pages, dans un style qui ne manque jamais d’élégance.
Les lettres sont, comme aujourd’hui, déposées dans des boîtes aux lettres. Ces boîtes sont au nombre de six dans toute la ville de Lyon. Le courrier est relevé et distribué plusieurs fois par jour, y compris le dimanche. Les lettres ne sont pas timbrées, mais leur acheminement est payé par celui qui la reçoit. Il en coûte 70 centimes pour une lettre simple de Paris à Lyon, 30 centimes pour aller de Lyon à Grenoble. Parfois, elles comportent un tampon (comme ci-dessous). Les lettres se perdent rarement ; par contre, elles peuvent être ouvertes par les services de police, ce qui n’est un secret pour personne.
Les lettres contiennent toutes sortes d’informations, des plus triviales aux plus sentimentales, des plus politiques aux plus personnelles. La santé est un souci permanent : ne plus donner de nouvelles, par exemple, est considéré comme le signe le plus évident qu’on est au bord de la mort : rien n’est censé, sinon elle, nous retenir d’écrire. Viennent ensuite les affaires les plus urgentes : les démarches pour obtenir une décision de tel ou tel chef de bureau, du maire de Lyon, du préfet du Rhône, celles qu’on a faites, celles qu’on prévoit de faire et, souvent, celles qu’on demande à l’autre de faire pour soi.
