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Un carnet d'érudit de Benoît Vermorel

700 ans des Archives de Lyon - 1520

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Plan de Lyon - 1s181_13

Un carnet d’érudit ?

Pour les 700 ans des Archives en 2020, les Archives municipales de Lyon (AML) ont choisi de témoigner de la diversité de leurs fonds.
Après le texte fondateur de la charte sapaudine en 1320 et une rêverie dans les taxes communales en 1420, la commande pour 1520 était de présenter un document issu des fonds privés. Malgré la diversité de ces fonds produits par des particuliers, des associations ou des entreprises, cela s’est avéré plus difficile que prévu de poser le doigt sur l’année tant convoitée. Qu’à cela ne tienne : les AML devaient bien conserver des dépouillements de documents de 1520 effectués par des érudits, comme par exemple Vermorel.

 

Signature de Vermorel, extr. de son dossier de personnel (524W/942/VERMOREL/BENOIT)
Signature de Vermorel, extr. de son dossier de personnel (524W/942/VERMOREL/BENOIT)
Signature de Benoît Vermorel, extr. de son dossier de personnel (524W/942/VERMOREL/BENOIT)

 

Benoît Vermorel (1814-1885) fait partie de l’âge d’or de l’érudition lyonnaise entre les années 1870 et 1930, où historiens amateurs et sociétés savantes explorent minutieusement les archives avant de publier des ouvrages et articles de référence. Les sources sont désormais vérifiées et vérifiables, même si la méthode et le point de vue des érudits peuvent en limiter la portée historique. Voyer principal entré à la Ville de Lyon en 1847, Vermorel est officiellement nommé aux AML en 1881 après y avoir travaillé de fait depuis 1860 environ. Passionné par l’histoire lyonnaise, il dépouille systématiquement des fonds aux AML et aux Archives départementales du Rhône (1). Les 45 recueils manuscrits qu’il rédige à l’issue de 25 années de travail sont conservés aux AML. Ils constituent une source fiable sur l’histoire de Lyon, ses églises, ses fortifications et l’évolution de l’urbanisme. Grâce à l’un de ses carnets, on peut à la fois fêter le 200e anniversaire des Archives et rendre hommage à l’érudition de Vermorel.

 

Pour quoi faire ?

Benoît Vermorel reste célèbre pour son Plan topographique historique de la Ville de Lyon en 1350, établi d’après les terriers de cette époque, complété avec le recensement cadastral de 1493 dans les parties où les documents plus anciens font défaut (2). Ce plan reconstitue l’historique des parcelles à Lyon à partir de 1350 pour la plupart, «dans la partie comprise entre le Rhône et la Saône, depuis les Terreaux jusqu’à la rue du Commerce». Pour chaque parcelle, il note d’une écriture minuscule «les noms des propriétaires, les confins, les mutations, les travaux publics (…) autant que le peu d’espace l’a permis». Pour ce faire, il explore les terriers des fonds religieux conservés aux Archives du Rhône, ainsi qu’un ancêtre du cadastre daté de 1493 et conservé dans le fonds des nommées aux AML.

 

Une des planches les plus abouties du plan topographique, secteur des Terreaux et de Saint-Nizier (1S/181/11)
Une des planches les plus abouties du plan topographique, secteur des Terreaux et de Saint-Nizier (1S/181/11)

 

 

 

 

Dans son Historique des rues de la Ville de Lyon paru en 1879 (3), où il détaille sa démarche, il prévoit 4 feuilles d’ensemble et 24 feuilles de détails en vue géométrale (à la verticale du territoire). En incluant les titres, 34 feuilles sont aujourd’hui conservées aux AML dans un état d’achèvement variable. Les secteurs des pentes de la Croix-Rousse et des Terreaux font partie des plus aboutis. Avec sa mosaïque de parcelles de couleurs, de rues anciennes et nouvelles, de bâtiments rosés et la myriade d’informations, le résultat est éblouissant. Les secteurs jusqu’aux Cordeliers et le Vieux-Lyon restent quant à eux partiels ou inachevés. L’échelle des plans varie du 1 :625e pour les plus détaillés au 1 :5000e pour les vues d’ensemble.

Initiative probablement personnelle au départ, le plan est «agréé par le Conseil municipal de Lyon suivant la délibération du 17 février 1880», avec un « crédit annuel de 1000 F (4) » pour l’exécution du plan. Bien que ce travail soit inachevé et n’ait jamais été publié, il a servi de base à de nombreux travaux d’historiens qui lui ont succédé. Il est numérisé et consultable sur le site des AML (5).

 

La collection

Les recueils manuscrits et le plan de Vermorel font partie d’un ensemble plus vaste de fonds privés d’érudits. Parmi les projets similaires et aussi démesurés que le sien, on peut citer le fonds Joseph Pointet (37II), dont l’original est conservé au musée Gadagne. Fabricant de soieries et érudit croix-roussien, Joseph Pointet (1851-1943) établit à partir des années 1920 un historique des maisons et propriétés à Lyon de 1350 à 1790. Il publie en 1926 la partie correspondant au 4e arrondissement (cote AML : 1C/316/1-2) et en 1930 la partie nord du 1er arrondissement actuel (cote AML 1C/317/VOL/1-2). Le sud du 1er arrondissement, ainsi que les 2e et 5e arrondissements, sont restés inachevés. Le fonds Pointet comprend 35 carnets de notes manuscrites (64 volumes), 117 feuilles de plans et des tables alphabétiques.

 

Et en 1520 ?

Dans son carnet de dépouillement des délibérations consulaires de l’année 1520, Vermorel évoque le conflit qui oppose la Ville de Lyon à Jean de Chaponay, président en la chambre des comptes du Dauphiné. La famille de Chaponay possède depuis 1358 une maison contiguë à la chapelle Saint-Jacquême ou Saint-Jacques, un édifice situé à quelques mètres de l’église Saint-Nizier et dont la première mention remonte à 1267. Les Chaponay disposent d’un accès direct à la chapelle via un couloir mitoyen. En août 1520, le chapitre Saint-Nizier autorise Jean de Chaponay à y faire des travaux, qui comprennent la construction d’une balustrade aux armoiries de la famille couronnant le mur nord du bâtiment. Le 8 septembre, le consulat (ou assemblée municipale) réuni à l’Hôtel de Balmont, rue Longue, convoque Jean de Chaponay et lui demande de remettre en état la chapelle.  De quoi se mêle donc le consulat ?

 

La chapelle Saint-Jacquême près de Saint-Nizier dans une planche du plan topographique de Vermorel (vers 1880, cote : 1S/181/13, détail)
La chapelle Saint-Jacquême près de Saint-Nizier dans une planche du plan topographique de Vermorel (vers 1880, cote : 1S/181/13, détail)

 

 

 

 

 

C’est que la chapelle a joué un rôle majeur dans la naissance de l’assemblée municipale : avant même l’octroi par l’archevêque des libertés communales par la charte sapaudine du 21 juin 1320, les conseillers de la Ville cherchent un lieu de réunion. La chapelle devient progressivement la maison commune où l’assemblée se réunit et délibère. Les archives, d’abord itinérantes, y sont également transférées et conservées dans des coffres. Le bâtiment peut donc être considéré comme le 1er «hôtel de ville» de Lyon et la municipalité lyonnaise en revendique la pleine possession. Avec le temps, ce lieu présente cependant quelques inconvénients : située dans un lieu très fréquenté, la chapelle fait l’objet de dégradations récurrentes et des boutiques s’installent sans autorisation contre ses murs. Le consulat est contraint de renforcer les portes, puis d’établir une clôture pour protéger l’édifice et ses biens. Par ailleurs, la chapelle accueille des messes régulières, ce qui oblige souvent à abréger les débats municipaux. Le consulat cherche donc un nouveau lieu et déménage en 1464 à l’Hôtel de Balmont rue Longue, en emportant les archives.

Dès le départ de l’assemblée municipale, le chapitre Saint-Nizier et la famille Chaponay contestent les droits de la Ville de Lyon sur la chapelle. Les droits de propriété et de voirie semblent en effet avoir été mal définis entre le chapitre et la ville depuis le début des assemblées municipales. En 1520, le conflit rebondit à l’occasion des travaux menés par Jean de Chaponay, à qui Symphorien Champier et les autres conseillers reprochent également d’occuper « une chambre estant au fond et dessus la dite chapelle » où étaient conservées « les titres de ladite ville »(6), c’est-à-dire les archives. Jean de Chaponay défend son bon droit « avec ses titres et par vision d’iceux se trouvera qu’il n’a rien fait qu’il n’ait pu faire ». Voilà un bel exemple d’usage des archives en tant que preuves ! Le consulat finit par abandonner toute prétention sur la chapelle.

 

Situation de la chapelle Saint-Jacquême par Steyert (1879, cote 1C/309193, planche 2, détail)
Situation de la chapelle Saint-Jacquême par Steyert (1879, cote 1C/309193, planche 2, détail)

 

 

 

 

A partir de 1513, celle-ci accueille la confrérie des pèlerins de Saint-Jacques et ce jusqu’à la Révolution. Elle est vendue comme bien national le 6 octobre 1791, avant d’être détruite à la suite du procès-verbal de démolition du 30 juillet 1792. Une plaque apposée sur la façade de l’immeuble qui lui a succédé en rappelle l’existence : « Ici s’élevait la chapelle de St Jacquême où s’assemblèrent les conseillers de ville de 1300 à 1455 ». Une petite pensée s’impose quand vous passerez près de Saint-Nizier, car même disparu, ce lieu a été le premier sanctuaire des archives communales.

 

Chapelle Saint-Jacquême, restitution par A. Steyert, 1879 (1 C/309193, extr. pl. 1)
Chapelle Saint-Jacquême, restitution par A. Steyert, 1879 (1 C/309193, extr. pl. 1)

 

 

 

 

  • ​(1) Aujourd’hui Archives du département du Rhône et de la Métropole de Lyon (ADRML). 
  • (2) Cote AML : 1S/181/1. Idem pour tout le paragraphe.
  • (3) Voir en bibliographie.
  • (4) Registre des délibérations communales (12/05/1879-23/02/1880, cote AML : 1217WP/126, p. 371. 
  • (5) Rechercher par auteur ou par cote. 
  • (6) AML, cote BB/39, folio 56v. Idem pour la citation suivante. 

Vermorel

  • Benoît Vermorel : dossier de personnel (AML : 524W/942/VERMOREL/BENOIT, 1881-1885).
  • Fonds Vermorel, analyse des actes consulaires (1516-1600) : recueil manuscrit (AML : 3II/2, 1860-1885).
  • Plan topographique et historique de Lyon établi par Benoît Vermorel (AML : 1S/181/1-34, v. 1880).
  • VERMOREL Benoît, Historique des rues de la ville de Lyon, pour faire suite au plan topographique et historique de Lyon en 1350, Lyon, s.n., 1879, 74 p. (AML : 1C/145, 1C/3368).
  • VERMOREL Benoît, Historique des anciennes fortifications de Lyon entre les Terreaux et la Croix-Rousse, Lyon Imp. Pitrat, 1881, 16 p. (AML : 1C/144 et 1C/303467).
  • Nommées ou dénombrement des biens meubles et immeubles possédés par les habitants de Lyon : «cadastre» de 1493 (AML : CC/4-8, 15 et 19, 1493).
  • DUREAU Jeanne-Marie (Dir.), Forma Urbis, les plans généraux de Lyon, XVIe-XXe siècles [Exposition, Lyon, Palais Saint-Jean, 1988], Lyon, Archives municipales de Lyon, 1997, 249 p. (AML : 1C/601658).

 

Chapelle Saint-Jacquême

  • Délibération consulaire du 8/09/1520 (AML : BB/39, folios 56r et 56v, 1520).
  • Chapelle de Saint-Jacques (AML : 3GG/114, pièces 23-25, s.d.).
  • Devis de la chapelle Saint-Jacques [élévation nord] : dessin (ADRML : fonds Chaponay, 44J/801, 1647).
  • [Plan des îlots entre la place Saint-Nizier, les rues Trois-Carreaux, Chalamont, Mercière et Bouquetière], extr. de l’atlas de la rente noble de Saint-Nizier (ADRML : 15G/188/1, feuille 7).
  • VALOUS, Vital de, La chapelle de Saint-Jacquême ou de Saint-Jacques de Lyon, Lyon, Auguste Brun, 1881. 62 p.-3 pl. hors-texte ; 24 cm (AML : 1C/309193).
  • « Etude de la chapelle Saint-Jacquême », in blog de Fabrice Pothier, Lyon en 1700, publié le 6/07/2010 [consulté le 31/01/2020].
  • « La chapelle Saint-Jacquême ou Saint-Jacques », in Dossiers de l’inventaire de la région Auvergne-Rhône-Alpes, 2003 [consulté le 31/01/2020].
  • FOREST Anne, « Les mille mues des archives lyonnaises », in blog Histoires lyonnaises, publié le 8/06/2017 [consulté le 31/01/2020]. Intégré à la page consacrée aux 700 ans des Archives de Lyon.