Marius Bertrand
Un établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) installé sur le plateau de la Croix-Rousse se nomme Marius Bertrand (1). Mais qui était-il ?
Il aurait pu être le premier directeur de la résidence, l’un des résidents lui-même, le précédent propriétaire du terrain, un élu aux affaires sociales, un Lyonnais dont on aurait voulu honorer la mémoire… Sur quelle aire d’influence : le département ? la ville ? l’arrondissement ? le quartier ? A quelle époque ? Comment savoir ???
C’est alors que débutent les recherches…
Auprès du personnel de la résidence ? Rien.
Dans la base de données des Archives ? Rien.
Dans le Dictionnaire historique de Lyon ? Rien.
Dans les bilans de la Ville ? Rien.
Sur les plans de Lyon au 1/2000e ? Rien.
Dans les dossiers de presse biographiques ? Rien.
Dans les fichiers biographiques ? Rien.
Dans les dossiers de presse thématiques ? Rien.
Dans le Bulletin municipal officiel ? Rien.
Dans l’application « C’est arrivé à Lyon » ? Rien.
Dans les ouvrages de la bibliothèque des Archives ? Rien.
Dans les périodiques de la bibliothèque des Archives ? Rien.
Dans les ouvrages sur les dynasties industrielles lyonnaises ? Rien.
Dans le catalogue de la Bibliothèque municipale de Lyon ? Rien.
Auprès du Guichet du savoir ? Encore rien.
Sur Google ?? Toujours rien !!!
Et parce que dans les Archives, il faut explorer toutes les pistes, il ne reste plus qu'à dépouiller les dossiers relatifs à la résidence. Il faut pour cela consulter les fonds de la Ville, du Bureau d’Aide sociale et du Bureau de Bienfaisance…
La découverte décisive
Une plaquette d’information sur la résidence (non datée, vraisemblablement années 1970-1980) glissée entre deux documents purement administratifs :
« Madame Marius BERTRAND, veuve d’un industriel lyonnais, a légué la presque totalité de sa fortune à diverses institutions. C’est ainsi qu’une somme importante allait servir à financer une partie de la construction de ces deux résidences, à charge pour le légataire d’exécuter les dernières volontés de Madame Bertrand, à savoir notamment la création d’un oratoire dans l’une des résidences de la Ville. Cet oratoire a été ouvert dans le présent groupe de résidences qui a tout naturellement été appelé Résidences MARIUS BERTRAND ” (1).
Enfin une piste : Marius Bertrand était Lyonnais, industriel et fortuné.
Et ce fut le déclic !
Puisque Marius Bertrand était Lyonnais, de nouvelles perspectives de recherche s’ouvraient : les annuaires et indicateurs, l’état civil…
C’est ainsi que, de fil en aiguille, nous découvrons que Marius Bertrand :
- résidait 103 boulevard des Belges;
- était né le 19 août 1859 (2) à Lyon 1er et se prénommait Jacques. Jacques ?!?
Est-ce qu'on ne cherchait pas un « Marius » ? Voilà de quoi brouiller les pistes…
Ouf, après quelques vérifications, il s’agissait bien de celui recherché. Il était en effet très courant à l’époque que le second prénom soit le prénom d’usage. Lui-même signait « Marius ». Son acte de naissance nous apprend également que son père était… fabricant de vermicelles ! - avait épousé Elisabeth Jeanne Vergnais à Neuville-sur-Saône le 23 décembre 1897 (le château d’Ombreval était l’un de leurs lieux de villégiature) (3) ;
- avait reçu la Légion d’Honneur (4).
Eurêka !
La Légion d’Honneur ! Enfin une piste consistante !
Cette simple mention dans un annuaire ravivait soudainement les recherches : son dossier numérisé devait se trouver dans la base de données Léonore (5).
Nous apprenons ainsi que, comme son père, Marius Bertrand était… fabricant de pâtes alimentaires !
L’occasion aussi de découvrir que :
- Marius Bertrand avait été nommé Chevalier de la Légion d’honneur par décret du 14 août 1900 ;
- La Maison Bertrand & Cie avait été fondée en 1825 ;
- Elle avait reçu plusieurs prix et médailles lors de nombreuses expositions, dont celles de Paris, Turin et Lyon en 1894.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là
La consultation des sources se poursuit, en particulier celle des permis de construire.
On retrouve ainsi la Maison Bertrand & Cie :
- 27 rue Bouteille à Lyon,
- à Grigny (Rhône) à partir de 1890,
- 4 place Sathonay à Lyon en 1900 (6),
- 99 rue de Gerland à Lyon dans les années 1930 (7),
- au Havre jusqu’en 1940,
- à Gennevilliers à partir de 1949, usine rachetée par Panzani en 1972 (8).
Que les recherches (re)commencent !
Marius Bertrand n’est donc désormais plus un illustre inconnu. Il aurait fait fortune dans l’industrie alimentaire. Mais les résultats de la recherche restent finalement relativement maigres.
Sans doute serait-il intéressant de poursuivre les investigations dans plusieurs directions :
- la question du legs à l’origine de la construction de l’EHPAD de la Croix-Rousse (et les raisons pour lesquelles il s’appelle Marius et non Elisabeth Bertrand) ;
- l’histoire de la Maison Bertrand & Cie (avec notamment les registres de patente conservés aux AML et les registres du Tribunal de commerce conservés aux Archives départementales et métropolitaines) ;
- la localisation des différents sites lyonnais occupés par les usines (AML 4S) ;
- la généalogie de la famille Bertrand (AML 2E) ;
- la présence de la Maison Bertrand & Cie dans les expositions de Paris (1855, 1867, 1878, 1889 et 1900), Turin (1858), Londres (1862), Vienne (1873) et surtout Lyon (1894) ;
- l’histoire de l’industrie de pâtes alimentaires à Lyon.
Notes
- Archives municipales de Lyon (AML), cote 1884 WP 27.
- n° 870 - Archives Municipales de Lyon - 2E516.
- Le Tout-Lyon Annuaire 1953 (AML, 2 C 400061).
- Le Tout-Lyon Annuaire 1949-1951 (AML, 2 C 400061).
- Base Léonore.
- Ibid.
- Permis de construire 1934/861 (AML, 344 W 1222), 1936/295 (AML, 344 W 1277) ou encore 1937/214 (AML, 344 W 1314)
- Usine de pâtes Bertrand - Inventaire du patrimoine