Myth'eau
Archives municipales de Lyon / Façade
Du 30 juin au 23 octobre 2022
Réalisation
- Graphisme et conception : Mamaniga
- Numérisation : Gilles Bernasconi
- Illustrations : Mamaniga
- Interprétation : Sophie Gentils
Mamaniga travaille aux Archives municipales mais a aussi une activité d’illustratrice plasticienne. Elle travaille le multiple en tout genre avec une prédilection pour la linogravure. Ici elle a choisi d’illustrer ces récits en papier découpés et aquarelle, se rapprochant à la fois des traditions décoratives asiatiques et du travail de vitrail, deux univers propres à l’expression simultanée de la narration et du symbole.
Exposition réalisée dans le cadre du festival
Lyon, entre Saône et Rhône, vit au gré de ses rivières. Source de prospérité, elles permettent l’acheminement de marchandises, la pêche, la mouture des blés, le lessivage du linge, autrement dit le commerce en tout genre mais aussi la baignade ou l’évacuation des déchets...
Que les rivières s’assèchent, se figent dans les glaces ou débordent, et la vie des Lyonnais est complètement désorganisée et tous craignent la famine.
Longtemps incompris, les phénomènes climatiques violents qui altèrent le quotidien des habitants ont donné naissance à des mythes et légendes tout au long des cours d’eau. A Lyon on trouve ainsi un dragon des rivières, la Machecroute, une Dame Blanche, Cassandre de l’inondation, ou encore Klupéa, un poisson miraculeux. Mais les rivières ont aussi été le théâtre de nombreuses histoires vraies, tragiques, parfois heureuses, tantôt rocambolesques, telle l’histoire de Benoit Besson, tailleurs d’habits accusé de sorcellerie pour avoir tenté de faire fondre les glaces.
La Machecroute
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Le Rhône regorge de créatures monstrueuses vivant dans ses eaux : le Drac à Beaucaire, la Tarasque à Tarascon ou encore la Machecroute à Lyon.
De la Machecroute, ne nous est parvenue que l’apparence pantagruélique du char de carnaval dont Rabelais fait la description. La maîtresse des profondeurs, comme on la surnomme parfois, vit sous le pont de la Guillotière et peut aussi bien créer les inondations que l’assèchement des rivières. Certains Lyonnais la rendaient encore responsable de l’inondation de 1840.
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La dame blanche
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Les dames blanches se manifestent souvent pour annoncer ou prévenir un événement malheureux. Si les légendes récentes situent volontiers les dames blanches au bord des routes, à Lyon, la Dame Blanche vit depuis longtemps au fond de la Saône. Elle est connue tantôt pour ravir les jeunes hommes au fond de l’eau, tantôt pour annoncer les inondations. Les Lyonnais craignent son apparition, mais la guettent toujours sur les hauteurs de la Croix-Rousse.
Kupléa
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Si au Moyen-âge, dans le Finistère, saint Corentin se nourrissait chaque jour d’un même poisson, le Rhône abrite lui une autre sorte de poisson miraculeux : Klupéa. Ce poisson cyclope pouvait guérir les malades du paludisme. A l’époque des Celtes, Klupéa a remonté le cours du fleuve jusqu’à la source de la Saône pour y trouver une pierre pourvue du pouvoir de guérison qu’il a ramenée dans le delta du fleuve. Quiconque touchait la pierre incrustée dans sa tête guérissait alors de la terrible maladie.
Benoit Besson
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L’accident des glaces ou l’incroyable histoire de Benoit Besson... Une histoire vraie
Benoit Besson apparait dans les registres consulaires, là où sont relatées les décisions prises par la ville de Lyon sous l’Ancien Régime.
En 1608, un froid terrible s’abat sur la ville, les rivières gèlent, menacent d’emporter les ponts et rendent toute circulation fluviale impossible. Alors que les consuls sont dans l’incapacité de briser la glace et qu’ils s’en remettent à la grâce de Dieu, Benoit Besson, jeune tailleur d’habit, propose de mettre en œuvre un dispositif connu de lui seul pour faire fondre les glaces.
Trois jours plus tard, quand les glaces ont fondu, une polémique éclate : qui de Benoit Besson ou de Dieu est l’auteur de ce miracle ?
Benoit Besson est alors menacé du bûcher pour avoir pratiqué la sorcellerie !
La mer de glace sur la Saône, 1879-80, photographies, 1PHP/19
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L’accident des glaces, registre consulaire 1608, manuscrit, AML, BB/144
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Grand discours sur l'accident des glaces advenu le dimanche 3 fébvrier 1608, et dont la Ville a esté préservée de plus grands malheurs par le miracle d'ung tailleur, Lyon, 1834, Transcription du registre BB/144, AML 23C/54
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Lettre de Benoit Besson au Consulat, 1608, manuscrit, AML, AA/154
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Transcription modernisée de la lettre de Benoit Besson au Consulat en 1608, AA/154 :
Messieurs
Je crois qu’il n’y eut jamais homme dans Lyon qui ait couru une si grande fortune de perdre sa vie et son honneur que moi, pour vouloir faire le service de sa ville. Car si la glace, en passant, vous eût fait quelques grands dommages, je crois que vous m’eussiez fait mourir. Mais Dieu m’a autant aidé et favorisé en la promesse que je vous ai faite, qu’il ne favorisera jamais [aucun] homme, ce dont je lui rends grâce. Bien huit heures après la promesse faite, la rivière a été navigable comme de coutume, encore qu’il y ait bien gelé fort, mais je crois que c’était par la permission de Dieu. Je pensais être hors de danger, cependant j’étais en plus grand danger que de coutume, car vous m’accusiez de sortilèges. Si Dieu ne m’eut fait la grâce que vous reconnaissiez mon innocence, en ce fait, car je n’y ai jamais pensé aucune malice et aimerais mieux mourir que de vivre, si je savais que mon âme ne porte offense, si Dieu ne m’avait bien aidé, j’étais perdu, car la glace s’en allant, faisant quelque grand mal, l’on m’eût fait mourir, et s’en allant sans faire aucun mal, on m’accuse de sortilèges, tellement que je ne pouvais que faillir des deux côtés. J’ai été autant scandalisé que jamais homme ne fut ni ne sera dans Lyon. C’est pourquoi je supplie bien humblement, vu le danger où je m’étais mis sans y penser, qu’il vous plaise d’avoir, eu égard à la pauvreté de ma mère qui est âgée de soixante-dix ans, qui n’a aucun moyen pour vivre et qui doit plus de 50 écus, de lui faire quelque bien ; elle sera tenue de prier Dieu pour vous toute sa vie. Et pour moi si vous voulez faire ce bien de me faire être le moindre des commis qui sont aux quatre portes de la ville, je prierai aussi Dieu pour vous. Je crois que Dieu vous en saura gré, le faisant par amour pour lui et la ville. Vous n’en serez pas plus pauvres, et moi je vaudrai mieux toute ma vie. S’il se trouve homme ou femme qui puisse dire que j’ai fait acte comme de bon chrétien et vivre en pauvre homme d’honneur, tant par le passé qu’aujourd’hui et que pour l’avenir je demande qu’on me mette dans le même état et que l’on me prenne selon mes mérites, je suis messieurs, votre humble et affectionné serviteur,
Benoit Besson