Plan de Lyon par Jean-Antoine Morand
3S/115 - 1764
Ce plan général de la Ville de Lyon et de son agrandissement est daté de 1764. Il est l’œuvre de l’architecte Jean-Antoine Morand. Le document est gravé sur cuivre et rehaussé de lavis de cinq couleurs.
Le plan, orienté au Nord en haut, s'inscrit dans le dessin d'un faux-cadre. Morand imagine une cité inscrite dans un cercle où Saint-Nizier marquerait le centre de la ville. L'audace de son plan est de vouloir faire surgir un nouveau quartier sur l'autre rive du Rhône, tout en aménageant les quais du fleuve.
Le plan comprend une table indicative, qui tient dans deux socles de pierre surmontés des allégories de la Saône et du Rhône. Celle-ci donne des indications quant aux numéros présents sur le plan. Adjoint au plan, un document annexe donne les grandes lignes du projet. Morand joue avec les couleurs et les ombres. Son idée est de relier la ville à la rive gauche du Rhône. Ailleurs, on distingue encore les espaces non construits des pentes de la Croix-Rousse et de l’ouest lyonnais. Un nouveau pont de bois relie les Terreaux au quartier des Brotteaux et donne sur un ensemble urbain en damier, bordé à l’est par un grand canal. Le nord est affecté à des chantiers, le sud à un parc dont les allées rayonnent à partir d’un rond-point.
La zone centrale est réservée aux habitations selon un plan en échiquier ponctué de quatre places. La plus grande, la place Louis XV (actuelle place du maréchal Lyautey) se situe au débouché du pont. Le plan urbain se géométrise aussi à l’ouest avec l’alignement des quais de Saône et de certaines rues centrales. Morand propose une vision de la ville à grande échelle, en pensant son développement de manière globale et sociale.
Grâce au document annexe, Morand livre ses grandes idées structurantes. Avec cette forme circulaire, il agrandit le territoire de la ville tout en conservant une proximité des quartiers entre eux. Au-delà des grandes avenues, il projette de démolir les maisons situées au bord de l’eau pour dégager la circulation et les perspectives, favorisant ainsi les déplacements vers la route de Paris. Il pense aussi à assainir l’air de la ville et à la protéger des inondations grâce à de nombreux espaces arborés et à la construction d’un canal. Enfin le pont de bois remplace le système précédant de trailles, qui ne permettait pas le passage des carrosses, charrettes ou bêtes de charge.
Les terrains disponibles sur la rive gauche du Rhône sont pour la plupart la propriété de l'Hôtel-Dieu de Lyon et des hôpitaux qui seront regroupés en 1802 dans les Hospices civils de Lyon. En 1765, Morand achète un terrain sur lequel il trace un premier lotissement. Les recteurs de l’hôpital voient cette concurrence d’un mauvais œil. Morand établit par la suite un plan commun avec le voyer des Hospices. Ce nouveau projet voit disparaître le canal. Morand commence la construction du pont en 1772 et l’achève trois ans plus tard. La place y débouchant est également réalisée. Au XVIIIe siècle, aux Brotteaux, les fêtes et les attractions se multiplient. En 1784, l’ascension d’une montgolfière emporte huit passagers dont Montgolfier lui-même. Des cirques, des chevaux de bois, un théâtre de marionnettes et des guinguettes s’ouvrent.
Mais si les Brotteaux sont devenus un espace de promenade prisé des Lyonnais, rares sont ceux qui viennent s’y installer. La plaine reste inondable et connaît des crues en 1783 et 1787. De plus, la Révolution ralentit les travaux. Le plan de Morand ne répond donc pas seulement aux besoins liés à la croissance démographique, mais réfléchit aussi à la vie des habitants en les protégeant de l’insalubrité, des catastrophes liées aux crues et en désenclavant une ville encombrée : en somme, il s’agit d’un véritable plan directeur d’urbanisme
DOCUMENT COMPLÉMENTAIRE : vue du pont Morand sur le Rhône
Pièce maîtresse du projet, le pont Morand est fait entièrement de bois. Doté de très nombreuses piles, il est stable et solide. Ce principe astucieux rend les travées indépendantes. Si l’une d’elles s’écroule, les autres ne sont pas endommagées. Il gagne ainsi une longévité et perdure jusqu’en 1885. A droite du pont, on aperçoit un péage qui délivre les droits de passage.
En 1890, le pont de bois est remplacé par une structure métallique, dynamitée en 1944 par les Allemands. En 1974, la ville construit le pont que l'on connaît aujourd’hui. Celui-ci sert au trafic piéton et routier, mais aussi au métro (ligne A) qui passe dans un tunnel intérieur cadré par un caisson et situé sous le tablier.
- Dossiers : Hommage à Morand